Normal 0 21 false false false FR X-NONE AR-SA MicrosoftInternetExplorer4
Presque un an s'est écoulé depuis l’immolation sur la place publique de Mohamed Bouazizi. Depuis ce 14 janvier 2011, la Tunisie a profondément changé. D’autres nations ont également été balayées par le Printemps Arabe dans le sillage de la Tunisie, mais souvent avec des difficultés considérables. La Syrie s'enfonce toujours dans le sang. L'Egypte connaît une transition démocratique douloureuse : l’armée tient les rênes du pouvoir et les partis islamistes, frères musulmans ou salafistes bien plus radicaux, y tiennent le haut du pavé. Dans ce contexte tumultueux, la Tunisie semble enfin avoir tourné la page de la violence au profit de sa reconstruction politique, économique et identitaire. Le combat est loin d’être fini pour autant. Le pays a maintenant la tâche délicate de se redéfinir après sa mue difficile : Tunisie libre ? Tunisie démocratique ? Oui, mais comment ?
Le succès de la démocratie tunisienne est d’une importance vitale pour l’ensemble de la région. Les choix politiques et économiques de ce précurseur donneront le ton de la renaissance du Moyen et Proche Orient. La France y est particulièrement sensible en raison des liens historiques qui la relient à la région. Cette transition suscite pourtant autant d’enthousiasme que d’inquiétude. La montée des discours religieux ou nationalistes inquiète dans ce pays qui a toujours été à la pointe de la modernité dans le monde arabe. Souhaitons que la refondation identitaire ne se traduise pas par l’abandon de la laïcité, un recul des droits de la femme ou l’affaiblissement des liens avec la France (par exemple par le recul de la francophonie) et l’Europe. Une telle dérive pourrait ajouter à l’instabilité de la région. C’est pourquoi la Tunisie doit saisir l’opportunité historique de devenir la référence en termes de liberté et de prospérité dans le monde arabo-musulman.
La Tunisie s’avance jusqu’ici une direction rassurante. L'élection de l'Assemblée Constituante en Octobre dernier fut l'occasion pour le pays de célébrer la tenue de son premier scrutin libre depuis 1956. Avec plus de 70% de participation, le peuple tunisien a prouvé son engagement démocratique. Les résultats affichent d’ailleurs une diversité dont peu de pays développés peuvent se targuer: un pourcentage de femmes supérieur à la France, le Royaume Uni ou les Etats-Unis, un patchwork de représentants de tous bords politiques – partis islamiques, séculaires, socialistes, libéraux... L’avancée substantielle du parti islamique modéré Enhada, qui s’inspire de l’AKP turc, nourrit en revanche les craintes occidentales d’une métamorphose profonde de la culture politique tunisienne et, à travers elle, de celle de la région entière.
Il est cependant encore trop tôt pour véritablement distinguer la signification et les conséquences politiques du succès d’Enhada. Premièrement, le parti a clairement exprimé son engagement envers une démocratie séculaire. Deuxièmement, le pays n'est qu'aux balbutiements de sa reconstruction. La nouvelle Constitution est toujours en cours de rédaction à l’Assemblée. L'activité économique reprend progressivement de la vitesse. Les blessures plus profondes d’un peuple si longtemps asservi doivent elles aussi cicatriser. La refondation du modèle économique et social tunisien constitue un enjeu majeur souvent ignoré. La démocratie n’apporte pas la prospérité, contrairement à la liberté économique qu’elle a tout intérêt à promouvoir.
La Tunisie était classée 90eme au classement de la « Liberté Economique » publié par unmondelibre.org avant la révolution de Jasmin, derrière l’Egypte. Contrairement à ce que la communication du pouvoir avait laissé entendre, le régime de Ben Ali a fait lourdement chuter l’index de la Tunisie dans ce classement. Or, le pays dispose de tous les atouts pour suivre le parcours des tigres asiatiques et devenir un modèle de développement économique (et donc social) : ouverture des frontières pour attirer les investisseurs et avoir accès aux produits de pointe et aux innovations, lutte contre la corruption héritée de l’ancien régime (qui passe par une réduction de la bureaucratie), monnaie saine et système bancaire concurrentiel apte à financer le développement des entreprises. La Tunisie mettra-t-elle en œuvre une telle politique ambitieuse pour faire reculer le chômage et la pauvreté, et améliorer le niveau de vie général du pays ? La Tunisie a donc bien changé, mais elle est encore au carrefour des possibles.
Signé par Tarek Abdellatif
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire